
Musicien de génie, figure controversée, Miles Davis fut aussi une icône de style. Dans les années 50 et 60, il réinventa l’élégance masculine en adoptant – et en détournant – les codes de l’Ivy League. Un style entre tweed, OCBD shirts et Ferrari rouge, devenu manifeste avec la célèbre photo de Baron Wolman prise à New York en 1969. Un parfait résumé de l’esprit « Black Ivy ».
O
n est à New York, en 1969. Miles sort de chez lui, monte dans sa 275 GTB rouge et file vers le Gleason’s Gym. Baron Wolman, photographe du Rolling Stone Magazine, lui demande de s’arrêter. Clic.
Un cliché devenu culte : chemise verte col Mao, pantalon flare en peau, attitude inimitable. L’élégance désinvolte, le charisme brut. C’est toute une époque – et un manifeste visuel.


Le style comme manifeste
Chez Miles Davis, le vêtement n’est jamais neutre. Dans les années 50, il adopte l’Ivy Look : veste en tweed naturel, chemise OCBD immaculée, Weejuns bien cirés. Un style réservé jusqu’alors à l’élite blanche des campus de la côte Est, que Davis retourne comme un gant. À ses yeux, ce vestiaire est un outil : de distinction, d’émancipation, d’élégance offensive. Il ne s’habille pas “comme un Blanc”, il s’habille mieux. Une panoplie choisie, pensée, incarnée — devenue, depuis, symbole d’une fierté noire conquérante que le livre Black Ivy – A Revolt in Style a documentée en profondeur.

Chevaux italiens et excès américains
Mais le style Davis ne s’arrête pas au vestiaire. Il file droit vers les garages italiens. Passionné de belles mécaniques, il conduit des Ferrari, des Lamborghini, des voitures de caractère. Jusqu’à cette Miura, pulvérisée sur la Pacific Coast Highway. Deux jambes cassées, deux sacs de coke dans l’habitacle. Sauvés de la police par un ami discret. La suite, on la connaît : tenues futuristes, funk cosmique, excès en tout. Mais toujours, cette obsession du style. Du rythme. De la silhouette. Jusqu’au bout, Miles Davis aura été une coupe à part.

De l’Ivy Look au funk spatial, Miles n’a jamais cessé d’habiter ses vêtements. À l’heure où le jazz résonne de nouveau à Saint-Germain-des-Prés, c’est l’occasion de revoir ces images, de relire Black Ivy, et de repenser notre façon d’être habillé.