Dans l’ombre de Ralph Lauren, un homme a donné de la matière à son rêve américain. Né au Kansas, Doug Bihlmaier a parcouru les marchés, les granges et les entrepôts du monde entier pour bâtir l’imaginaire de RRL. À travers lui, l’élégance selon Ralph trouve sa vérité : celle d’un vêtement déjà vécu, patiné par le temps.
C
e 14 octobre 2025, Ralph Lauren fête ses 86 ans. Derrière la légende du créateur américain, il existe un autre regard. Celui de Doug Bihlmaier, longtemps Head of Vintage chez Ralph Lauren — l’homme qui a donné une odeur, une texture et un passé à cette Amérique idéalisée.
Issu d’un petit village du Kansas, Bihlmaier n’a jamais cherché le style : il a grandi dans la poussière, le coton et le denim. L’élégance, chez lui, commence là où le vêtement a déjà vécu.

Kansas, l’origine du style
Pas de studio photo, pas d’agence créative. Le décor de Doug, ce sont les champs et les granges du Midwest. Ses grands-pères portaient des salopettes en denim, des chemises de flanelle et des bottes usées. “Sometimes the best doesn’t cost much”, dit-il aujourd’hui. Une phrase simple, comme un manifeste.

La révélation
Dans les années 80, il travaille pour une boutique locale, Woody’s. Un jour, on lui demande d’aller chercher à l’aéroport un représentant de Polo by Ralph Lauren. Tout le monde descend de l’avion en chemises polyester. Et puis un type apparaît : costume de velours côtelé, coudières matelassées, chemise fleurie, cravate club jaune.
Doug se dit : Je veux ressembler à ce gars. Ce jour-là, il ne rencontre pas Ralph Lauren, mais sa vision du vêtement.

L’œil du collectionneur
Quelques années plus tard, il rejoint la maison. Sa mission : trouver les objets qui raconteront cette Amérique-là. Il chine dans les entrepôts anglais, les marchés de Brimfield, les granges oubliées. Des couvertures Navajo trouées, des bottes d’équitation, des toiles équestres patinées.
Même les marches du premier RRL ont été construites pour grincer comme celles d’une vieille boutique. Bihlmaier veut que les lieux aient une âme, pas un concept.

Le pacte
Doug ne cherche pas le parfait. Il cherche le vrai. “If it’s too precious, I don’t want it.”
Ralph, lui, résume la règle : “If you don’t want it, I don’t want it.”
Entre eux, un pacte invisible : le goût comme boussole. L’un apporte la lumière, l’autre la matière. Ensemble, ils fixent une morale du style : le luxe ne brille pas, il respire.

L’archiviste du réel
En poussant la porte d’un RRL, on a l’impression que le temps s’y est arrêté. Rien n’est neuf, tout est vivant. Doug est devenu l’archiviste du réel, le gardien d’un rêve américain à hauteur d’homme.
Et c’est peut-être ce que je me dis chaque fois que j’enfile ma chemise à carreaux en coton gratté, achetée en 1987 à Lyon — preuve que certains vêtements continuent à raconter mieux que nous le passage du temps.







